Nouvel article : La domestication des savoirs inconfortables sur les intoxications des agriculteurs par les pesticides


4 juin 2015
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Résumé

Revue française de sociologie

Dans le sillage de plusieurs articles consacrés aux mobilisations d'agriculteurs « victimes des pesticides », François Dedieu (INRA) et Jean-Noël Jouzel (CSO) publient dans la Revue française de sociologie une contribution sur le dispositif de prévention des intoxications professionnelles en France.

Comment a-t-on pu aussi longtemps méconnaître les effets sanitaires de produits notoirement toxiques, comme le tabac ou l’amiante ? Pourquoi la démonstration de la nocivité de ces produits a-t-elle pris autant de temps ? Ces questions alimentent aujourd’hui l’émergence d’un champ de recherche sur la production de l’ignorance dans le domaine de la santé publique. Héritières des travaux pionniers de Robert K. Merton (1987) sur les savoirs incomplets, de Mary Douglas (1995) sur la mémoire institutionnelle, ou encore de Niklas Luhmann (1998) sur l’écologie de l’ignorance, ces recherches s’efforcent de montrer que, contrairement à l’idée communément admise, l’ignorance ne peut être définie comme une simple absence de savoir (Heimer, 2012) ou un « vide originel » (Proctor, 2012) que l’accumulation de connaissances permettrait de combler. Elles envisagent à l’inverse l’ignorance comme le produit d’une construction sociale, d’effets de sélection par lesquels des acteurs individuels ou collectifs utilisent certains savoirs disponibles et en laissent d’autres de côté. Telle que nous l’entendons, l’ignorance recouvre donc des situations dans lesquelles des savoirs potentiellement disponibles pour l’action ne sont pas utilisés.